Durant quatre jours, du 7 au 10 avril, le tribunal judiciaire de Vesoul en Haute-Saône se penche sur une vaste affaire de travail dissimulé dans le domaine du transport. 35 chauffeurs n’étaient pas déclarés. On vous dit tout sur ce procès.

Quatre jours d’audience. Quatre jours pour comprendre le système mis en place à l’époque. À la barre vont défiler des Français, Slovaques ou Polonais. Un chef d’entreprise basé dans le Haut-Rhin semble être à la tête de ce réseau. Il avait créé des sociétés en Pologne et en Slovaquie.

Ces cadres d’entreprises de transport en France et à l’étranger devront répondre « d’exécution en bande organisée d’un travail dissimulé » ; de « soumission de plusieurs personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions de travail indignes » ou « d’emploi de travailleurs dans des locaux sans installations sanitaires conformes ». L’entreprise SA GEFCO et une autre société polonaise de transport routier SAS SASU GEFCO FRANCE sont également convoquées devant les juges.

Gefco était auparavant le transporteur historique du groupe automobile PSA, devenu Stellantis. La société n’existe plus aujourd’hui. Rachetée en 2023, elle s’appelle désormais CEVA Logistics.

Un simple contrôle de chauffeurs routiers déclenche l’enquête

L’affaire remonte à 2017. Tout commence après un contrôle de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) de Bourgogne-Franche-Comté. Les agents remarquent des irrégularités. Leur enquête permet de découvrir un système de prêt illégal de main-d’œuvre entre sociétés de transport françaises et des pays de l’Est. L’enquête devient tentaculaire avec des ramifications dans des sociétés de sous-traitance.

Les routiers polonais ou slovaques n’étaient pas déclarés alors qu’ils roulaient en France, ils travaillaient aussi dans des « conditions indignes ». Une information judiciaire avait été ouverte par le parquet de Vesoul en 2021. Les enquêteurs avaient découvert qu’ils étaient hébergés à Quincey près de Vesoul sur un site insalubre. Les chauffeurs étaient logés dans des bungalows vétustes, touchés par des infiltrations d’eau et de la moisissure, avec des sanitaires insalubres.

Des prévenus qui se défendent

« Toute notre activité était parfaitement transparente« , s’est défendu lundi devant le tribunal l’un des cinq prévenus, Christian Hass. « Je comprends ce qui m’est reproché, mais je ne comprends pas le mécanisme. J’attends de ce procès de comprendre », a ajouté cet homme de 63 ans, qui à l’époque des faits gérait une entreprise basée en Alsace, qui collaborait avec des sociétés polonaises et slovaques pour fournir des chauffeurs à Gefco.
« J’avais confiance en lui et je n’ai pas demandé d’explication » sur les montages financiers qu’il faisait, a affirmé son cousin et co-gérant de l’entreprise, Camille Hass, interrogé par le procureur François Prélot.

Une des prévunes polonaises, Agniezka Potocka, a soutenu en sanglotant avoir toujours été bienveillante et à l’écoute des chauffeurs routiers qu’elle employait. « Je ne comprends pas pourquoi je suis là, je suivais de près l’évolution de la législation polonaise et européenne pour être en règle », dans un secteur très tendu à l’époque, avec une concurrence effrénée, a-t-elle affirmé devant les juges.

Dans cette affaire, « l’enjeu, pour ces chefs d’entreprises, c’était d’échapper au paiement de leurs cotisations sociales en France », avait expliqué Emmanuel Dupic, procureur de Vesoul, lors des mises en examen en 2021.

Préjudice de 800 000 euros pour l’URSSAF et concurrence déloyale

Ce trafic européen a lourdement porté préjudice à l’URSSAF, l’organisme chargé de collecter les cotisations sociales des entreprises françaises. De 2015 à 2018, l’organisme aurait dû encaisser 800
000 euros auprès des entreprises poursuivies.

L’URSSAF Franche-Comté s’est portée partie civile à ce procès. C’est le cas aussi de l’organisation des transporteurs routiers européens Franche-Comté. Dès 2021, le syndicat dénonçait ces pratiques de travail dissimulé., Blandine Tatin, secrétaire générale de l’OTRE Franche-Comté réclamait alors plus de contrôles des transporteurs routiers venus de l’est de l’Europe. Alors que s’ouvre le procès, elle attend une condamnation exemplaire en raison du dumping social pratiqué et du volet humain du travail dissimulé. « Importer comme cela à nos portes des sortes d’esclaves des temps contemporains a quelque chose de choquant » explique-t-elle à ICI Besançon.

Victimes de cette concurrence effrénée entre transporteurs pour décrocher des contrats auprès de clients cherchant le moindre coût, cinq chauffeurs routiers se sont également portés partie civile lors de ce procès dont le jugement est attendu jeudi 10 avril.

sourve : https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/haute-saone/vesoul/esclaves-des-temps-contemporains-conditions-de-travail-indignes-des-chauffeurs-comment-le-transporteur-gefco-se-retrouve-juge-pour-travail-dissimule-3134638.html