Malgré l’interdiction des rassemblements, les lieux auraient accueilli du monde samedi
Après dix magistrats de la cour d’appel de Paris contrôlés en train de déjeuner dans un restaurant clandestin sur l’Ile de la Cité, la semaine passée, à Paris, le week-end dernier, deux autres fonctionnaires, un commissaire de police et un magistrat carpentrassiens, auraient été surpris dans l’épicerie « Le Petit Serge », à Carpentras.
Les faits remontent à samedi dernier, à partir de midi. En pleine pandémie, l’établissement s’est organisé pour proposer la vente à emporter avec le click & collect. A l’heure du déjeuner, plusieurs passants se seraient alarmés de voir plus d’une dizaine de personnes réunies au sein du commerce renommé pour la qualité de son accueil et ses produits du terroir. D’après nos informations, plusieurs Carpentrassiens auraient alors composé le 17 et prévenu la police pour s’émouvoir de voir autant de gens réunis dans ce local d’une vingtaine de mètres carrés.
Sur les caméras de vidéosurveillance de la ville, de nombreux va-et-vient auraient également été constatés, motivant le contrôle, semble-t-il réalisé, a posteriori, par une patrouille de police. C’est lors de cette intervention que le commissaire de police de Carpentras aurait été surpris à l’intérieur de l’épicerie. Un autre fonctionnaire, magistrat celui-là, aurait, lui aussi, été surpris, mais ce dernier l’assure : il serait simplement « venu acheter du vin » (lire son témoignage ci-dessous). D’autres personnes se trouvaient également dans l’établissement.
Une affaire dépaysée
Que s’est-il passé à l’intérieur ? Si personne n’était attablé, il semble que ce rassemblement soit mal passé et ce, alors que l’état d’urgence sanitaire déclaré en octobre dernier, interdit les réunions de plus de six personnes dans un espace public ou recevant du public…
À la demande du procureur de la République de Carpentras, Pierre Gagnoud, l’affaire a été dépaysée. « J’ai demandé à être désaisi pour permettre une enquête en toute sérénité et en toute impartialité… »
Une enquête judiciaire a été confiée au parquet de Nîmes. Contacté, le procureur Eric Maurel n’avait pas encore pris connaissance des éléments du dossier. « On va faire une enquête classique, auditionner tout le monde : policier, magistrat, restaurateur« . Parallèlement, des enquêtes administratives vont être diligentées.
Joint dans la journée, le Sicop, chargé de la communication avec la presse pour la police nationale, précisait qu’une « enquête disciplinaire était en cours« . « Nous allons rechercher s’il y a eu un manquement dans cette affaire« . Mais, dès hier, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin prévenait sur l’antenne de France Inter : « Si tel est le cas, je demanderai au directeur de la police nationale de le suspendre« .
De son côté, le vice-procureur de Carpentras, soutenu par l’USM Magistrat, syndicat auquel il appartient, a déclaré à La Provence « n’avoir jamais déjeuné » (voir ci-dessous).
L’affaire intervient au plus mauvais moment alors que le pays est sommé de faire des efforts pour éviter un troisième confinement.
La déclaration du vice-procureur de carpentras visé dans l’affaire : « Je n’ai pas déjeuné dans cet établissement, j’ai juste acheté du vin »
« Ce n’est absolument pas cela la réalité des faits ». Contacté par nos soins hier matin, le vice-procureur du tribunal de Carpentras incriminé dans cette affaire, a donné à La Provence, une tout autre version que celle publiée par des confrères. « Je lis que j’aurais avoué les faits or je n’ai pas été entendu au commissariat d’Avignon » et concernant le déroulement des faits « je n’ai pas du tout déjeuné dans cet établissement. J’y ai simplement acheté deux bouteilles de vin blanc. Il était environ midi moins dix. J’ai en effet discuté avec le restaurateur et le commissaire pendant une vingtaine de minutes avant de quitter l’établissement (il commençait à pleuvoir). J’ai ensuite raccompagné un ami et je suis allé déjeuner en famille. J’habite vers L’Isle-sur-la-Sorgue ». « Je n’ai pas vu de policiers en patrouille »
Concernant le contrôle de police qui serait donc venu surprendre le magistrat et le commissaire, le vice-procureur présente également sa version: « pour ma part, je n’ai pas vu de policiers et je n’ai pas été contrôlé. Ils seraient alors passés après que je sois parti du restaurant?… » Quant au délit de désobéissance dont il se dit victime, il atteste : « en cette période, je n’aurais jamais fait cela, déjeuner dans un restaurant… bien sûr que non. Je sais trop de quoi il en retourne… Si on veut vérifier mes propos, mon téléphone parlera. Avec les moyens de la géolocalisation, on verra bien combien de temps je suis resté dans l’établissement… »
Dans la foulée de la première publication dans la presse qui a agité les sphères judiciaire et policière, le magistrat de Carpentras a dû aviser sa hiérarchie: « j’ai livré mes précisions au procureur de la République de Carpentras et à la procureure générale de Nîmes par mail… ».
« Je ne suis pas un restaurant clandestin »
« Je ne suis pas un restaurant clandestin. Il n’y a pas de tables, ni de chaises installées. J’accueille les clients pour du click & collect dans ce bistrot transformé en épicerie depuis la crise sanitaire« , a précisé hier soir le restaurateur de Carpentras impliqué dans l’affaire à La Provence. « Oui, il est vrai que des personnes ont patienté ici, en attendant que la pluie cesse… mais personne ne s’est attablé… » Le restaurateur sera entendu aujourd’hui par les policiers de la sûreté départementale.