Cette réglementation a donné lieu à une bataille entre les pays d’Europe de l’Ouest, dont la France et l’Allemagne, et ceux de l’Est, qui y voient une mesure « protectionniste ».
Après trois ans d’âpres négociations, l’Union européenne a adopté, mercredi 8 juillet, une réforme-clé pour le transport routier. Ce « paquet mobilité » vise à améliorer les conditions de travail des chauffeurs et à éviter les distorsions de concurrence, mais il est accusé de « protectionniste » par les pays d’Europe de l’Est.
La réforme porte sur le détachement des conducteurs, leur temps de repos et une limitation du cabotage, c’est-à-dire le fait pour un transporteur d’effectuer plusieurs chargements et déchargements dans un pays où il est arrivé dans le cadre d’une livraison internationale.
Frais d’hébergement et période de carence
La réforme oblige les entreprises de transport international de marchandises à permettre aux chauffeurs de rentrer chez eux à intervalles réguliers (toutes les trois ou quatre semaines). Et si le chauffeur est loin de chez lui lors de sa période de repos hebdomadaire obligatoire, il ne peut la passer dans sa cabine : l’entreprise doit payer ses frais d’hébergement.
Pour prévenir le « cabotage systématique », vu comme une concurrence déloyale, une période de carence de quatre jours est prévue avant que d’autres opérations puissent être effectuées dans le même pays avec le même véhicule. Les nouvelles règles introduisent aussi l’enregistrement des passages de frontières par tachygraphe, un dispositif retraçant les mouvements du véhicule.
Pour lutter contre les sociétés « boîtes aux lettres », ces entreprises de transport devront avoir suffisamment d’activités dans l’Etat membre où elles sont enregistrées. Les camions devront aussi retourner au centre opérationnel de l’entreprise toutes les huit semaines.
Proposée par la Commission européenne en mai 2017, la régorme a donné lieu à une bataille entre les pays d’Europe de l’Ouest, dont la France et l’Allemagne, et ceux d’Europe orientale (Roumanie, Bulgarie, Hongrie et Pologne notamment), accusés de dumping social.
Une « victoire du lobby de pays de l’Ouest » pour la Pologne
Son adoption est pour les transporteurs polonais la « victoire du lobby de pays de l’Ouest ». Leurs homologues roumains déplorent qu’elle « enterre » leur industrie, prévoyant qu’un tiers des opérateurs de leur pays vont disparaître sous l’effet cumulé de la crise due au coronavirus et de ces nouvelles règles. Le ministère bulgare des transports a qualifié la réforme d’« inacceptable » et a annoncé un recours devant la justice européenne contre plusieurs dispositions de la nouvelle réglementation.
Les organisations de transport routier de France, d’Allemagne et des pays nordiques (Danemark, Norvège et Suède) à l’inverse se sont félicitées de son adoption, tout comme la Confédération européenne des syndicats. Pour son secrétaire général, Per Hilmersson, la réforme « empêchera les entreprises de forcer les chauffeurs à passer plusieurs mois d’affilée loin de chez eux (…) et de les priver d’un salaire décent et de cotisations sociales ».
Du côté des eurodéputés, le groupe Renew Europe (centristes et libéraux) a salué une « avancée », les S&D (socialistes et démocrates) soulignant aussi que les mesures amélioraient la sécurité routière. En revanche, les ultraconservateurs du groupe CRE ont dénoncé des règles « discriminatoires » qui vont « encore illustrer les divisions » entre les plus riches et les plus pauvres des Etats membres.
Ces derniers soulignent aussi l’impact écologique de l’obligation faite aux camions de revenir régulièrement dans leur pays d’origine. Il s’agit d’un paquet « nuisible au climat, aux transports et à la reconstruction de l’économie de l’UE après la pandémie », a jugé le ministre polonais des infrastructures, Andrzej Adamczyk (extrême droite).