Environ 5 % des chauffeurs routiers sont des femmes. Chaque week-end de Pâques, l’association « la route au féminin » réunit ces professionnelles passionnées par ce « métier d’homme ».

Céline, 34 ans, est « fan de camion » depuis sa plus tendre enfance. Son père était routier, alors elle est devenue « routière ». La jeune femme s’est accrochée à son rêve. Trois ans après ses débuts dans une entreprise de transport de la région de Nantes, un collègue fait une dramatique erreur au moment du déchargement. Le bras droit de Céline est broyé, au point qu’elle devra être amputée.

Neuf ans plus tard, elle roule encore au volant d’un camion aménagé. Autour de la table, ses copines de l’association « La route au féminin » connaissent son histoire, mais font silence quand elle la raconte une nouvelle fois. Chaque année, depuis 1993, l’association profite du week-end de Pâques pour organiser un dîner. L’an dernier elles étaient quatre-vingt près de Toulouse (Haute-Garonne). Là, elles sont une soixantaine à Saint-Avold (Moselle) dans un restaurant… routier.

Environ 3 000 conductrices de camion

Annie, 71 ans est la fondatrice de ce mouvement qui compte 500 adhérentes. Elle évalue à 3 000 aujourd’hui le nombre de femmes conductrices de poids lourds. « Cela représente 5 % de la profession » précise Huguette, 62 ans, qui affichera « 40 ans de conduite en juillet », soit environ « 3 millions de kilomètres ».

Beaucoup se sont lancées très jeunes. Annie est devenue routière à 35 ans, après avoir perdu son mari et attendu que ses trois enfants aient un peu grandi. « Quand j’ai commencé, nous étions une trentaine à peine, on ne croisait jamais de femmes qui avaient fait le même choix de vie que nous », se souvient-elle. Cet isolement dans ce monde d’homme lui a donné une envie de retrouvailles « entre filles, car entre nous il existe un irremplaçable lien d’amitié ».

Un salaire de base à 1 100 euros

Denis, fraîchement retraité et « cassé de partout » a accompagné Marie, son épouse qui roule encore. « Au début on avait du mal avec les femmes au volant de poids lourds, elle nous prenait notre métier, mais cela va un peu mieux aujourd’hui », assure-t-il.

« Nous sommes l’une des seules professions où l’égalité de salaire existe entre les deux sexes » relève Claudine, 44 ans divorcée, mère de deux enfants. Chaque lundi, elle part et revient le vendredi. « Une vie de liberté » qu’elle adore. Avec 22,20 euros par découchage, 13,60 euros par repas et 7,20 euros par petit-déjeuner, elle améliore un salaire de base qui plafonne à 1 100 euros. A 37 ans, Charline s’interroge après 16 années passées sur les routes. « Je suis à l’âge charnière où les routières se posent la question de fonder une famille », confie-t-elle. Elle aime cette vie en ayant conscience de ces dangers. Un an plus tôt, elle a été agressée à Calais, « sortie du camion par des migrants ». Toutes ont une frayeur en mémoire. Mais aucune n’a eu raison de cette irrépressible envie de rouler.

Pierre Roeder, correspondant à Nancy (Meurthe-et-Moselle)|02 avril 2018, 

Annie Sedlegger, 71 ans est la fondatrice de « la route au féminin », qui compte 500 adhérentes. Pierre Roeder

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