Une partie des ordonnances réformant le Code du travail est-elle déjà obsolète, deux semaines à peine après leur signature en direct par Emmanuel Macron ? La question se pose après l’accord signé mercredi pour éviter une grève des routiers. Les organisations syndicales et patronales sont tombées d’accord pour que des éléments de rémunération comme le 13e mois ou les primes de nuit soient négociées exclusivement au niveau de la branche, qui regroupe les entreprises d’un même secteur.
Une contradiction, au moins en apparence, avec les déclarations répétées du ministère du Travail sur le sujet. Ainsi, dans le dossier de presse des ordonnances, on pouvait notamment lire la phrase suivante : « il sera possible [pour une entreprise] de remplacer une prime d’ancienneté imposée par la branche pour un système plus attractif ». Et grâce aux ordonnances, les entreprises ont même le pouvoir de supprimer ces primes – sous réserve de signer un accord d’entreprise – même si la branche offre des conditions plus favorables.
Une modification subtile
« C’est vrai que certains pourraient croire qu’on a ouvert une brèche, mais on n’a pas trahi les ordonnances » assure Jean-Marc Rivera, secrétaire général de l’OTRE, une organisation patronale du secteur routier. L’entourage de Muriel Pénicaud apporte quelques précisions : « Ce qui a été décidé mercredi, c’est de changer la convention collective, et d’intégrer les primes dans le salaire minimum hiérarchique (SMH) ». Une transformation habile, car le SMH est un sujet qui relève exclusivement de la branche… au contraire des primes.
Et malgré la « particularité » revendiquée des routiers dont la rémunération dépend beaucoup des primes, « cette technique pourrait se transposer à d’autres secteurs » affirme Aurélie Cormier Le Goff, avocate associée au cabinet Flichy Grangé. Sous réserve d’un accord entre patronat et syndicats, rien n’empêche en effet d’autres branches de « sanctuariser » des primes de la même manière que les routiers.
Un mouvement appelé à prendre de l’ampleur ?
Du côté du ministère du Travail, on ne croit pas que l’accord du 4 octobre sera copié ailleurs… tout en reconnaissant « qu’en pratique, rien n’empêche [les autres branches] de faire la même chose ».
Et de fait, la CFE-CGC saute déjà sur l’occasion. Dans un communiqué publié ce jeudi, le syndicat « espère que (…) d’autres secteurs sauront vite se mettre à l’abri du désordre social que les ordonnances travail organisent » en imitant les routiers. Si un tel mouvement se déclenchait, il pourrait réduire grandement tout un pan de la réforme du Code du travail, à savoir la négociation de certaines rémunérations au niveau de l’entreprise.