En ouvrant ce dossier dans le cadre de la réforme du Code du travail qu’elle prépare, Muriel Pénicaud fait d’une pierre deux coups. D’abord, les représentants les salariés sur le terrain sont des acteurs clefs du dialogue social que le gouvernement veut développer. Avec la réforme du Code du travail qui va faire la part belle à la négociation d’entreprise, ils vont voir leur champ d’action et leur pouvoir accru. Encore faut-il qu’il y ait des vocations. La peur de l’engagement est en particulier un frein important. Près de 48 % des salariés du privé considèrent qu’il peut avoir des conséquences sur leur carrière, selon une étude du Conseil économique social et environnemental.

« Au plus trois » mandats

Offrir des garanties en la matière est donc un enjeu clé pour l’avenir… Et pour les quelque 600.000 salariés qui occupent déjà des mandats de représentation du personnel. Il a en outre pour la ministre du Travail l’avantage d’être le sujet consensuel par excellence avec toutes les organisations de salariés au sein d’une réforme très polémique.

Jean-Dominique Simonpoli sait de quoi il parle : dans une vie antérieure, il a été syndicaliste CGT à LCL puis secrétaire général de sa fédération des banques et l’association Dialogues qu’il dirige travaille au développement et à l’évaluation des compétences des représentants du personnel. Il a donc présenté une liste de propositions très ­concrètes. D’autant plus importantes que même si le gouvernement n’a pas rendu tous ses arbitrages, le projet de loi d’habilitation visant à réformer le Code du travail qui vient d’être voté prévoit de limiter à « au plus trois » le nombre de mandats consécutifs pour les élus syndicaux (soit 12 ans).

Jean-Dominique Simonpoli propose, lui, d’amplifier la reconnaissance des acquis de l’expérience d’élu. Il préconise aussi la formalisation des conséquences sur l’exercice du métier du temps que nécessite l’exercice du mandat. Il suggère enfin de généraliser les entretiens de début et de fin de mandat et qu’ils « donnent lieu à la rédaction d’un document écrit et signé par les deux parties »« Cela permettra notamment de formaliser les conséquences en termes de charge de travail de l’exercice du mandat », explique Jean-Dominique Simonpoli qui veut y ajouter un autre entretien pour anticiper les conséquences de la fin de mandat, lorsque le salarié est totalement « rendu à la vie civile ».

Le rapport met aussi l’accent sur l’entretien de l’employabilité des représentants du personnel, et pas seulement de ceux élus à plein temps. Jean-Dominique Simonpoli s’attaque en particulier au risque d’ « obsolescence » des compétences associées au métier. Il propose d’ajouter à l’obligation qui incombe à l’employeur d’adaptation de ces salariés à leur poste de travail son pendant côté élu : « Ces derniers seraient tenus d’effectuer les actions de formation à caractère professionnel proposées par leur employeur ou de retour temporaire à leur activité professionnelle pour maintenir leur employabilité. »

Le rapport prévoit en outre d’intégrer dans la base de données économiques et sociales des indicateurs concernant la carrière des représentants du personnel, ce qui serait une nouveauté, car les entreprises préfèrent se centrer sur les comparaisons salariales en mettant de côté l’enjeu des promotions.

Toutes ses propositions pourraient être très simplement intégrées aux futures ordonnances. Le rapport les a déclinées en articles de loi. Ses recommandations « auront vocation à se trouver dans les ordonnances », a affirmé Muriel Pénicaud, sans cependant préciser ­lesquelles elle retiendrait précisément.

Leïla de Comarmond, Les Echos

En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/economie-france/social/030480847117-la-carriere-des-elus-syndicaux-au-coeur-de-la-future-loi-travail-2106508.php#pxahXMTbr6KhiXTB.99