Qu’est-ce qui pousse les routiers à se mobiliser contre la loi travail ?
Parmi les professions les plus remontées contre la loi El Khomri, on trouve les chauffeurs routiers. Ces derniers craignent que les entreprises du secteur abaissent la majoration de leurs heures supplémentaires à 10%, contre 25% et plus aujourd’hui.
A l’avant-garde des professions mobilisées cette semaine contre la loi El Khomri, les routiers ont ouvert le bal ce mardi 17 mai en multipliant dès l’aube barrages filtrants, opérations escargots ou encore blocages de sites industriels, notamment dans l’ouest de la France. Les autorités ont recensé une trentaine d’actions lancées par les chauffeurs de poids lourds, à l’appel des fédérations des transports CGT et FO et avec le renfort des dockers, notamment aux abords des zones portuaire et industrielle du Havre, tout comme celles du port de Saint-Nazaire ou de la raffinerie de Donges, près de Nantes.
Des barrages ont aussi été installés à l’aéroport de Perpignan ou encore à Fos-sur-Mer, où se trouvent de nombreuses entreprises de chimie et pétrochimie. Les deux syndicats ont choisi de concentrer leurs actions sur les zones industrielles pour ne pas pénaliser les usagers de la route. Mais plus de 200 camions ont bloqué en partie le périphérique de Caen, laissant passer les véhicules au compte-goutte.
Adopté en première lecture la semaine dernière après un recours à l’article 49.3, le projet de loi travail instaure la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche en matière de temps de travail. Ce qui fait craindre aux routiers une importante baisse de rémunération car avec un accord d’entreprise, la majoration des heures supplémentaires pourrait ainsi être ramenée à 10% au lieu des 25 à 50% généralement pratiqués par les entreprises du transport routier au-delà de 186 heures travaillées par mois.
Selon le secrétaire général de la CGT des transports, Jérôme Vérité, «un chauffeur qui travaille 200 heures par mois risque de perdre 1 300 euros par an». Soit l’équivalent d’un mois de salaire net pour des routiers souvent payés au Smic et pour qui les heures sup font partie intégrante de la rémunération…
Les 10% déjà en vigueur ?
Un calcul auquel ne souscrit pas la Fédération nationale du transport routier (FNTR), la principale organisation patronale du secteur. Selon la FNTR, la loi El Khomri ne modifie pas vraiment les règles en vigueur dans le métier. «La possibilité de ne majorer les heures supplémentaires que de 10% existe déjà depuis une loi de 2008», a expliqué Françoise Berthelot, déléguée générale de la FNTR, au micro de RTL.
Ce à quoi les syndicats répondent que les entreprises du secteur vont bien au-delà aujourd’hui, conformément à l’article L3121-10 du code du travail et aux accords de branche. Les transporteurs accordent généralement à leurs chauffeurs une majoration de salaire de 25% pour les huit premières heures supplémentaires et de 50% pour les heures suivantes. La crainte des chauffeurs, c’est que les employeurs s’appuient sur la loi El Khomri pour faire fondre cette majoration des heures sup à 10%. Ce qui n’est pas à exclure, au vu des difficultés que traverse aujourd’hui le secteur routier… Les routiers doivent décider quelle suite ils donnent à leur mouvement, des assemblées générales devant se tenir en fin de journée sur les principaux barrages. La CGT a ainsi décidé de reconduire le mouvement mercredi, et également jeudi «dans quelques cas». Tout dépendra ensuite de la mobilisation de la base. Car contrairement à la CGT et FO, la CFDT, majoritaire chez les transporteurs, ne s’est pas jointe au mouvement.