Flou artistique ? Imperfection du règlement communautaire ? L’Allemagne dénonce les imprécisions de la réglementation sociale européenne sur les temps de conduite et de repos qui donnent lieu à des interprétations différentes selon les États.

À la différence de la France et de la Belgique, qui ont fait cavalier seul en interdisant la prise du repos hebdomadaire normal dans la cabine, l’Allemagne n’a pas encore franchi le pas. Et n’a pas l’intention de sanctionner des contrevenants à une réglementation européenne jugée imprécise (561/2006).

Lors du dernier conseil des ministres européens des Transports, le 10 décembre 2015, le ministre fédéral allemand Alexander Dobrindt a, en revanche, demandé à la Commission européenne de clarifier le règlement communautaire en y inscrivant noir sur blanc cette interdiction. Peine perdue, semble-t-il, car les pays d’Eu­rope de l’Est font le forcing contre cette mesure.

Vers une législation nationale

L’Allemagne s’achemine donc, faute de mieux, vers une législation nationale à l’instar de la loi Savary, en vigueur en France depuis juillet 2014. Laquelle impose à l’employeur de veiller à ce que son conducteur prenne son repos hebdomadaire normal de 45 heures hors de la cabine, sauf à encourir une peine d’un an d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 30 000 €. L’interdiction faite au conducteur de coucher dans son camion n’est pas, elle, sanctionnée par une amende s’il enfreint cette règle.

« Aucune décision n’est encore prise », précise cependant le ministère fédéral des transports à L’Officiel des Transporteurs. Mais en coulisses, les discussions vont bon train et un projet de loi restrictif se dégage : il n’autoriserait les conducteurs à passer leur temps de repos hebdomadaire normal qu’à leur domicile ou au siège de leur entreprise.

« Même pas à l’hôtel ! »

« Même pas à l’hôtel ! Ce serait très compliqué à organiser pour les transporteurs », s’effraye un représentant de la profession, qui préfère y voir une stratégie à l’égard des pays de l’Est : une réglementation stricte en Allemagne pourrait rendre le marché ouest-européen plus difficile d’accès aux transporteurs tchèques ou polonais si leurs chauffeurs ne pouvaient passer des mois dans leur cabine à la frontière allemande. Le dispositif pourrait être présenté très prochainement.

« En fait, rien n’est prévu dans le règlement communautaire 561/2006 sur l’interdiction du repos normal hebdomadaire dans la cabine, confirme Florence Berthelot, présidente du comité de liaison TRM auprès de la délégation IRU à Bruxelles. C’est seulement par une interprétation, a contrario, de l’article 8.8 (1) du règlement 561/2006 que la réglementation française a été adoptée. D’où l’incompréhension de nos partenaires européens. »

(1) « Si un conducteur en fait le choix, les temps de repos hebdomadaires réduits loin du point d’attache peuvent être pris à bord du véhicule, à condition que celui-ci soit équipé d’un matériel de couchage convenable pour chaque conducteur et qu’il soit à l’arrêt. »