CHAPITRE III
RESPONSABILITÉ DE L’ENTREPRISE DE TRANSPORT

Article 10

1. Il est interdit aux entreprises de transport de rémunérer les conducteurs qu’elles emploient ou qui sont mis à leur disposition en fonction de la distance parcourue et/ou du volume des marchandises transportées, même par l’octroi de primes ou de majorations de salaire si une telle rémunération est de nature à compromettre la sécurité routière et/ou à encourager les infractions au présent règlement.

2. Les entreprises de transport organisent le travail des conducteurs visés au paragraphe 1 de manière qu’ils puissent se conformer au règlement (CEE) no 3821/85 et au chapitre II du présent règlement. Les entreprises de transport donnent des instructions appropriées à leurs conducteurs et effectuent des contrôles réguliers pour veiller à ce que le règlement (CEE) no 3821/85 et le chapitre II du présent règlement soient respectés.

3. Une entreprise de transport est tenue pour responsable des infractions commises par des conducteurs de l’entreprise, même si l’infraction a été commise sur le territoire d’un autre État membre ou d’un pays tiers.

Sans préjudice du droit des États membres de tenir les entreprises de transport pour pleinement responsables, les États membres peuvent lier cette responsabilité au non-respect par l’entreprise des paragraphes 1 et 2. Les États membres peuvent prendre en considération tout élément de preuve établissant que l’entreprise de transport ne peut pas raisonnablement être tenue pour responsable de l’infraction commise.

4. Les entreprises, expéditeurs, chargeurs, tour opérateurs, commissionnaires de transport principaux, sous-traitants et agences employant des conducteurs veillent à ce que les horaires de transport convenus par contrat soient conformes au présent règlement.

5.
a)
Toute entreprise de transport exploitant des véhicules équipés d’un appareil de contrôle conforme à l’annexe I B du règlement (CEE) no 3821/85 et entrant dans le champ d’application du présent règlement:
i)
veille à ce que toutes les données soient téléchargées à partir de l’unité embarquée et de la carte de conducteur aussi régulièrement que l’exige l’État membre et que les données pertinentes soient téléchargées plus fréquemment pour faire en sorte que toutes les activités effectuées par ou pour cette entreprise soient téléchargées;
ii)
veille à ce que toutes les données téléchargées à partir de l’unité embarquée et de la carte de conducteur soient conservées au moins douze mois après l’enregistrement et qu’ au cas où un agent de contrôle en ferait la demande, ces données soient consultables, directement ou à distance, dans les locaux de l’entreprise.
b)
Aux fins du présent paragraphe, le terme «téléchargées» est interprété conformément à la définition figurant au Chapitre I, point s), de l’annexe I B du règlement (CEE) no 3821/85.
c)
La fréquence maximale à laquelle les données pertinentes sont téléchargées en application du point a) i), est fixée par la Commission conformément à la procédure visée à l’article 24, paragraphe 2.

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RESPONSABILITÉ DU CHEF D’ENTREPRISE À RAISON D’UNE FAUTE POSITIVE PERSONNELLE

Sont directement imputables à l’employeur les infractions suivantes :

-impossibilité pour les salariés de satisfaire à la réglementation en raison des impératifs de travail

-absence de chronotachygraphe sur un véhicule assujetti ;

-défaut de vérification périodique du chronotachygraphe ;

-mauvais fonctionnement du chronotachygraphe, par exemple stylet d’enregistrement tordu et inscrivant, de ce fait, une vitesse inférieure à la réalité, dès lors qu’il n’est pas établi que cette détérioration soit le fait du chauffeur. Le chef d’entreprise doit s’assurer que le chronotachygraphe fonctionne correctement et, à défaut, en prohiber l’utilisation ;

-défaut de réparation de l’appareil dans les délais impartis ;

-remise au chauffeur de disques d’un modèle incompatible avec le chronotachygraphe, en nombre insuffisant ou souillés ou endommagés ;

-non-remise au chauffeur du disque du jour précédant le contrôle ou d’une attestation justifiant qu’il n’a pas conduit ce jour-là Adjacent : impossibilité pour le chauffeur de présenter les disques des jours précédents, l’employeur se devant « de vérifier que ses préposés sont munis de toutes les pièces administratives nécessaires », motivation qui nous amène aux limites de la faute d’abstention ;

-ordre donné au chauffeur de ne pas respecter la réglementation ou instructions impliquant nécessairement son inobservation;

-absence, irrégularité ou inadaptation des documents de contrôle manuscrits fournis au chauffeur ;

-défaut de conservation des disques, le fait de les « envoyer » au ministère des Transports à la suite de consignes syndicales réalisant le délit d’obstacle au contrôle.

Responsabilité du chef d’entreprise à raison d’une faute d’abstention

La responsabilité pénale de l’employeur peut également être recherchée pour n’avoir pas pris les dispositions nécessaires en vue d’assurer le respect de la réglementation, comme le lui commandent l’article 15 du règlement no 3820/85 du 20 décembre 1985 et l’article 3 bis de l’ordonnance no 58-1310 du 23 décembre 1958.

L’analyse de ces textes et de l’application qu’en fait la jurisprudence conduit à considérer que, pour dégager sa responsabilité pénale, le chef d’entreprise doit satisfaire à trois obligations :

1) Informer les salariés du contenu de la réglementation et leur donner instructions de la respecter, l’employeur pouvant s’acquitter de cette obligation par les moyens de communication usuels en matière de droit du travail : affichage, remise du règlement communautaire, article du contrat de travail, émargement de notes de service, etc. Bien entendu, le chef d’entreprise ne doit pas, par-devant, prôner le respect de la réglementation et, par-derrière, imposer à ses chauffeurs des contraintes d’horaires rendant inévitables les infractions.

2) Organiser le travail en conséquence .

3) S’assurer du respect effectif de la réglementation :

-par des contrôles a posteriori, opérés à intervalles réguliers , surtout s’il a déjà constaté antérieurement des anomalies dans l’enregistrement des temps , sachant cependant qu’on ne peut exiger d’un employeur dont l’effectif compte plusieurs chauffeurs une surveillance de tous les instants ;

-en prenant, en cas d’infractions répétées, les mesures disciplinaires qui s’imposent à l’encontre des chauffeurs désinvoltes ou négligents .

Charge de la preuve de la faute d’abstention. – La faute d’abstention constituant un fait négatif, ce n’est pas au Ministère public de prouver la carence de la personne pénalement responsable (chef d’entreprise ou délégataire de pouvoirs), mais à cette dernière d’établir qu’elle a informé les salariés du contenu de la réglementation, qu’elle leur a donné instructions de la respecter et, surtout, qu’elle a pris toutes dispositions pour la faire effectivement observer en pratique.

État actuel de la jurisprudence. – Depuis les origines de la réglementation des temps de conduite, les juridictions répressives n’ont cessé de manifester une sévérité croissante à l’égard du chef d’entreprise, qui, pour éviter la condamnation, devrait aujourd’hui, selon la Cour de Paris, « établir que le chauffeur a volontairement et sciemment enfreint ses ordres » Sur la base d’une telle vision des choses, il est bien évident que toutes les infractions ou presque peuvent être mises au compte de l’employeur, y compris la non-concordance (4 h 20 au lieu de 16 h 20) entre l’heure du chronotachygraphe et l’heure légale.

Jugé cependant, dans le passé, que le chef d’entreprise doit être relaxé :

-lorsqu’il ressort du procès-verbal d’enquête qu’il avait pris toutes précautions afin d’assurer le meilleur respect possible de la réglementation, qu’il avait rédigé plusieurs notes de service en ce sens à l’intention de ses chauffeurs et qu’il lui arrivait de contrôler lui-même les disques de chronotachygraphe ;

-pour dépassement des durées maximales de conduite (continue et journalière), le temps de conduite relevant, sur route, de la libre appréciation des chauffeurs, indépendamment des instructions données par l’employeur ou contrairement à ces instructions

-pour insuffisance de repos journalier lorsque le chauffeur a volontairement retardé son départ et a ensuite enfreint la réglementation pour effectuer la livraison en temps voulu ;

-lorsque l’on découvre, à l’occasion d’un contrôle routier, que le chronotachygraphe est bridé par des élastiques, dès lors « qu’il n’est pas établi que ces élastiques aient été placés avant le départ du véhicule du dépôt de la société et qu’ainsi le commettant ait été à même d’empêcher l’emploi irrégulier de l’appareil, dont il ne peut bloquer la fermeture », compte tenu des impératifs du contrôle. Il n’en ira ainsi, cependant, que dans la mesure où il s’agit d’une infraction isolée. Le chef d’entreprise sera, au contraire, condamné s’il apparaît que le chauffeur se livrait à cette pratique depuis déjà un certain temps et n’a pas pour autant fait l’objet d’une quelconque mesure disciplinaire ;

-lorsque le chauffeur a falsifié les disques, sans que soient établies des instructions de l’employeur pour agir en ce sens ;

-lorsqu’il ressort du PV que c’est sciemment que le chauffeur n’a pas inscrit les mentions d’identification requises sur le disque

-lorsque le chauffeur n’a pas procédé en temps utile au changement du disque et que, de ce fait, ses activités n’ont pas été enregistrées pendant près d’une heure et demie;

-lorsque le chauffeur a perdu accidentellement son livret individuel de contrôle ou a oublié de prendre à bord l’horaire de service établi par l’employeur ;

-lorsque le chauffeur n’a pas utilisé les documents manuscrits exigés en cas de panne de l’appareil .

Responsabilité du donneur d’ordres

Jusqu’en 1992, le donneur d’ordre, expéditeur ou commissionnaire de transport, ne courait aucun risque de responsabilité pénale en cas d’inobservation de la réglementation sociale par un transporteur public (il en allait différemment, tout au moins en théorie, dans l’hypothèse de location de véhicule avec chauffeur).

Aujourd’hui, ce même donneur d’ordre peut être poursuivi s’il donne, en connaissance de cause, à un transporteur ou au préposé d’un transporteur, des instructions incompatibles avec le respect de la durée maximale de conduite journalière (D. no 92-699, 23 juill. 1992, art. 5, § a

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