SOCIAL
La grogne monte, pas les salaires

Le printemps social pourrait être chaud, entre un léger mieux de l’économie qui donne l’envie d’en profiter, et la volonté des entreprises et du gouvernement de tenir sur la « compétitivité ».

Alerte aux fumeurs : les usines Seita de Sandouville (Seine-Maritime) et Riom (Puy-de-Dôme) ont été bloquées hier, et pourraient l’être à nouveau. Motif : les salariés réclament 1,5 % de hausse des salaires, la direction leur concède 0,6 % en mars puis 0,4 % en juillet. « On nous donne des miettes alors qu’ils réalisent d’énormes profits », proteste la CGT de la Seita.

Une journée le 9 avril
Ce conflit est loin d’être isolé. Les routiers ont déjà observé plusieurs jours de grève, et prévoient de recommencer à partir du 15 mars : ils réclament une hausse de 5 %, après plusieurs années de gel, le patronat propose 1 % à 2 %. Des sites de Thalès ont été bloqués. Chez Renault, les syndicats protestent contre la suppression des augmentations générales au profit des seules augmentations individuelles – une tendance qui se généralise.

La grogne salariale monte. Une date est déjà fixée pour qu’elle s’exprime à plein : le 9 avril, journée de manifestations et de grèves organisée par la CGT, FO, la FSU et Solidaires.

La montée de tension était prévisible, entre des salariés qui veulent profiter du léger mieux qui se dessine, et des entreprises qui s’estiment trop fragiles pour lâcher sur leurs marges.

Le piège de l’inflation
Cette année, et depuis des années, la hausse des salaires est contenue par la crise et le chômage, souligne Cécile Ingremeau, d’Altedia. Le cabinet Deloitte pointait également fin janvier des budgets d’augmentation salariale « extrêmement prudents » en 2015, et plutôt à la baisse.

La crise n’est pas finie. Et le ralentissement de l’inflation rogne les marges : avec une hausse des prix désormais anticipée à 0 % cette année, toute augmentation, même la plus faible, est en net. Or, les salaires, explique le patronat, ont ralenti moins vite que l’inflation : le salaire mensuel de base a progressé de 1,4 % l’année dernière, selon le ministère du Travail, plus fort que les prix (0,2 %).

Printemps chaud ?
Le gouvernement encourage d’ailleurs les entreprises à la modération salariale, au nom de la « compétitivité ». Il montre l’exemple en limitant au maximum la hausse du smic (+0,8%, à peine huit euros net en plus au 1er janvier), et en gelant les salaires de la fonction publique d’État. Pour soutenir le pouvoir d’achat, il préfère jouer sur les baisses d’impôts et des systèmes incitatifs comme la nouvelle « prime d’activité ».

Cette attitude devient plus difficile à imposer quand le président de la République annonce lui-même que « la reprise est là ». Car il est bien connu des experts que les conflits les plus importants apparaissent au moment des redémarrages de l’économie. Sans vouloir reprendre un refrain éculé, le printemps social pourrait donc être chaud.

Par Francis BROCHET | Publié le 06/03/2015