Deux-Sèvres – Pas-de-Jeu, Saint-Laon – Tribunal correctionnel de poitiers

Un chauffeur routier a été condamné à un an de prison avec sursis pour avoir provoqué la mort d’un collègue deux-sévrien de 35 ans : il roulait trop vite et avait dérapé sur le verglas.

Elle fait non de la tête, regarde ses proches avec des yeux éplorés et plein d’incompréhension. Le procureur de la République vient de requérir une amende de 150 € pour défaut de maîtrise contre le chauffeur routier qui a tué son mari au mois de décembre 2013. Une amende qui vient s’ajouter aux huit mois d’emprisonnement avec sursis et aux douze mois de suspension du permis.

Tout cela lui semble tellement dérisoire. Elle quitte la salle soutenue par ses proches. Plus d’un an après l’accident, l’épreuve judiciaire est terriblement difficile à vivre. Le vendredi 20 décembre 2013, un peu après 7 h 30 du matin, deux poids lourds se percutent à la frontière entre la Vienne et les Deux-Sèvres, entre Saint-Laon et Pas-de-Jeu, sur la route reliant Loudun à Thouars, la route départementale 759.

«  J’ai pas tout le temps les yeux sur le compteur  »

Tony Dubois et sa remorque lestée de 32 tonnes de ciment arrivent dans un grand virage quand il ne peut éviter la remorque d’un camion chargé de palettes. Ce dernier vient de se mettre en portefeuille après une glissade sur le verglas. La cabine de ce père de trois enfants s’écrase dans le chargement, le semi-remorque finit sa course dans le fossé.
Il faudra trois quarts d’heure aux sapeurs-pompiers pour extraire Tony Dubois : sa poitrine est écrasée, son bassin, ses deux jambes et l’un de ses bras sont fracturés. Trois heures après le choc, le Deux-Sévrien de 35 ans, installé à Tessonnière, succombe lors de son transfert au centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers.

A plus de 90 km/h juste avant le choc

Mardi, c’était l’heure du procès pour le chauffeur routier charentais de 34 ans poursuivi pour homicide involontaire et défaut de maîtrise à cause d’une vitesse excessive au vu des circonstances. Il roulait trop vite ce matin-là. Sur une route glissante même si, ni le service des routes ni Météo France n’ont trouvé trace de verglas. Les gendarmes, eux, en ont vu sur cette portion de route bordée par un bois et enjambant un petit cours d’eau. Une humidité localisée et un phénomène glissant tout aussi circonscrit.
L’examen du disque chronotachygraphe du véhicule montre que le prévenu n’a fait d’excès de vitesse que ce matin-là. Il n’était même pas pressé. Le disque relève qu’il a roulé jusqu’à 110 km/h, alors qu’il était limité à 80 km/h. Et, surtout, que juste avant le choc, il était encore à plus de 90 km/h. Le camion était déjà dans la grande courbe glissante. Le mis en cause a freiné, il a senti que ça patinait. Il a gardé le pied sur le frein. La cabine était presque à l’arrêt mais pas la remorque, emportée par son poids. Elle s’est mise en travers. Obstacle fatal.

« Ma vitesse n’était pas adaptée, je ne m’en suis pas rendu compte, explique-t-il à la barre du tribunal correctionnel de Poitiers. J’avais pas vu de signe de verglas. Je ne m’explique pas la vitesse de 110 km/h, le camion est bridé électroniquement à 90 km/h ! J’aurais dû être à 80 km/h, mais j’ai pas tout le temps les yeux sur le compteur ».

«  Il n’a pas mesuré sa dangerosité  »

La veuve de Tony Dubois lève les yeux au ciel. Elle n’est pas venue réclamer des indemnités mirobolantes. « C’est une partie civile de témoignage, assure son avocat. C’est pour que ce Monsieur, qui est un professionnel de la route, prenne conscience de ce qui s’est passé ».

La mesure, justement, le procureur de la République s’y attarde : Patrick Maire se dit « frappé » par ce routier « qui n’a pas mesuré sa dangerosité ». Il requiert huit mois de prison avec sursis et un an de suspension du permis.

Le tribunal plus sévère que le procureur

La faute est là, Me Changeur, l’avocat de la défense, ne tente pas d’esquiver. Juste d’atténuer la peine pour ce chauffeur jusque-là irréprochable et qui va connaître une autre sanction : le licenciement.

Cette clémence, le tribunal ne l’a pas écoutée. Il est allé au-delà des réquisitions du parquet : un an d’emprisonnement avec sursis, un an de suspension du permis et 450 € d’amende.

E.C.
31/01/2015

Le camion s’était encastré dans une remorque partie en travers à cause de la vitesse et du verglas. – (Photo archives NR)

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