Grève des routiers. Encore des actions avant la reprise des négociations

Les négociations salariales reprennent mardi dans le transport de marchandises, sous la pression des routiers qui mènent une grève reconductible depuis dimanche.

Barrages filtrants et blocages

Lundi, l’intersyndicale CGT, FO, CFTC et CFE-CGC a multiplié les barrages filtrants et les blocages de sites industriels, dépôts pétroliers, centrales d’achat et centres routiers. La mobilisation, qui a surpris ses organisateurs par son ampleur, s’est traduite par d’importantes perturbations sur les routes aux abords de Rennes, Nantes, Bordeaux et surtout Caen.

De nouvelles actions doivent être entreprises ce mardi en région parisienne, à Lyon, Angers, Rennes, Caen ou Bordeaux.

> A Caen, un barrage filtrant a été mis en place mardi matin dans les deux sens du périphérique de Caen (N814) à hauteur de la Porte de Suisse normande jusqu’à la porte de Paris, à Mondeville. Une voie de circulation est visiblement laissée libre pour les véhicules légers.

> A Rennes, plusieurs témoignages font état de ralentissements ponctuels, notamment sur la rocade extérieure, vers la porte de Saint-Malo et vers Saint-Grégoire.

Après une opération escargot sur la rocade nord de Rennes, les camions sont actuellement à l’arrêt entre les portes de Saint-Malo et de Saint-Brieuc, et ont mis en place des barrages filtrants, laissant circuler les véhicules particuliers et bloquant les poids-lourds non grévistes. Un barrage filtrant a par ailleurs été installé avant la sortie vers Brest (RN12).

A 10 heures, le Centre d’information routière évaluait à plus de 11 kilomètres les bouchons qui saturaient rocade rennaise.

Vers 11 heures 15, certains routiers prenaient au ralenti la direction de la porte de Chantepie. Puis d’autres se positionnaient, toujours sur la rocade extérieure, entre la porte des Loges et celle de Beaulieu.

À 13h45, un barrage routier était établi sur la rocade sud extérieure de Rennes, au niveau de Chantepie, dans le sens Bretagne-Paris. Un gros bouchon était en formation.

Compte tenu des difficultés de circulation, il est conseillé aux poids lourds venant de Rouen et allant vers l’ouest, d’emprunter l’A28 au niveau de Bourg-Achard en direction du Mans, puis l’A81 en direction de Rennes.Il est aussi conseillé aux camions venant de Rennes et allant vers le Nord de La France d’emprunter la N157 et l’A81 en direction du Mans et prendre l’A28 en direction de Rouen.

> A Rouen, les transporteurs bloquent « depuis 5h », selon France Bleu Haute-Normandie, le terminal pétrolier Rubis, sur la zone portuaire, boulevard de Stalingrad, au Grand-Quevilly.

> A Angers, une action est menée par une quarantaine de militants CGT dans une zone industrielle près de la ville, a-t-on appris auprès des manifestants, qui arrêtent uniquement les camions.

> Quelques actions étaient par ailleurs organisées au nord de Toulouse, où l’accès à un dépôt d’essence était bloqué, selon les gendarmes.

> Dans le Pas-de-Calais, des routiers ont bloqué dès 6h30 les bretelles d’accès à la plate-forme multimodale (transports routier, ferroviaire et fluvial) de Dourges, près d’Hénin-Beaumont, selon le Centre régional d’informations et de coordination routière (CRICR).

> A Bordeaux, c’est une zone industrielle au nord de la ville (Bruges), où se tiennent de nombreux entrepôts de fret, qui est bloquée par quelque 70 camions depuis 6h00 du matin. La bretelle de la rocade menant à cette zone a été fermée dans les deux sens, la circulation s’effectue en accordéon.

« On durcit le mouvement. On est 60 à 70 manifestants ce matin organisés pour faire durer le blocage. Si les négociations n’apportent pas de résultat on bloquera une autre zone, puis une autre encore, jusqu’à la totalité des zones sur Bordeaux », a indiqué Marc Rosa de la CGT Transports Gironde.

> A Lyon, les grévistes se sont fait déloger par la police du port Edouard-Herriot, qu’ils occupaient depuis 4h30 du matin dans le sud de la ville, selon la CGT. « Nous avons les mêmes revendications qu’au niveau national, et notamment le 13e mois, cela fait des années que nous le réclamons » a expliqué Jean-Christophe Debiais, de la CGT-Transports Savoie.

Débats houleux

Organisations syndicales et patronales se retrouvent à 9h30 au siège de la Direction générale du Travail, à Paris (15e arr.), pour une nouvelle séance de négociation annuelle obligatoire (NAO), un mois et demi après la dernière, qui avait échoué.

Les syndicats réclament une « revalorisation salariale de 5 % pour tous les salariés ». Impossible, répond le patronat, incapable de s’engager au-delà de « 1 à 2 % de hausse », selon la Fédération nationale des transports routiers (FNTR).

Les débats risquent d’être houleux, les syndicats se devant d’être à la hauteur du rapport de force engagé sur le terrain.

« Multiplier les barrages partout »

« Il faut créer les conditions pour durcir le mouvement parce qu’on entre dans le dur de la négociation », déclarait lundi soir le patron de la CGT Transports, Jérôme Vérité, qui compte « multiplier les barrages partout ».

Suffisant pour faire céder les fédérations patronales ? Rien n’est moins sûr.

Ces dernières affirment ne pas avoir « les marges de manœuvre suffisantes » pour répondre aux demandes syndicales, « en décalage avec les réalités économiques des entreprises », s’est défendu Nicolas Paulissen, délégué général de la FNTR.

L’argument ne tient pas, selon les syndicats, qui pointent les aides publiques octroyées aux entreprises via le pacte de responsabilité et le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), ou encore la baisse des prix du carburant.

« Laisser la chance aux négociations »

Le patronat ne peut plus « se cacher derrière son petit doigt », explique à l’AFP Thierry Douine, patron de la CFTC Transports.

Les aides publiques ont « fait récupérer beaucoup de masse salariale » aux entreprises, qu’elles « sont peut-être en capacité de réinjecter tranquillement dans les 5 %, sans se mettre en difficulté économique », fait-il valoir.

La CFDT, premier syndicat de la branche, partage ce constat. Mais se dit ouverte au dialogue avec le patronat. « Il faut laisser la chance à la négociation », tempère Fabian Tosolini, secrétaire fédéral de la CFDT Transports, pourtant peu persuadé que les propositions patronales « répondront aux attentes des organisations syndicales ».

« Et puis si ça ne fonctionne pas, on prendra nos responsabilités », menace le syndicaliste, dont l’organisation n’appelle pas à la grève.

Opération « coup de poing »

Le 1er décembre, la CFDT avait claqué la porte des négociations en dénonçant « la provocation des fédérations patronales », avant de réaliser en solo une opération « coup de poing » au péage de Saint-Arnoult (Yvelines). Unis dans leurs revendications, les syndicats réclament « une augmentation du pouvoir d’achat minimum de 100 euros ».

Et ils énoncent trois moyens d’y parvenir : « un taux horaire minimum de 10 euros pour les coefficients les plus bas à l’embauche », « une revalorisation salariale de 5 % pour tous les salariés » ou la « mise en place d’une ancienneté linéaire ».

En 2014, un seul des quatre coefficients en vigueur dans le transport routier – celui des salariés les plus qualifiés – dépassait le Smic (9,53 euros bruts par heure).

Le salaire minimum brut a été relevé à 9,61 euros au 1er janvier 2015.